Blocus au lycée Balzac : la réforme du bac, c’est du «grand n’importe quoi»

Blocus au lycée Balzac : la réforme du bac, c’est du «grand n’importe quoi»

L’accès au plus grand lycée de Paris était bloqué ce lundi matin. Au coeur du blocus, nous avons rencontré des lycéens déterminés à manifester leur opposition à la réforme Blanquer. REPORTAGE.

« Blanquer ne viens pas, prends tes affaires rentre chez toi », scandent une vingtaine de lycéens debout sur un amas de poubelles vertes, d’arbres de Noel et de palettes en bois dénichés sur le boulevard Bessières, dans le 17ème arrondissement de Paris. En cette matinée bruineuse, plusieurs centaines d’élèves de la seconde à la terminale se sont retrouvés devant la cité scolaire internationale Honoré-de-Balzac.

L’accès aux trois portes d’entrée principales de l’établissement est bloqué depuis 7 heures. Les lycéens s’opposent à la mise en oeuvre de la nouvelle réforme du baccalauréat portée par le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer. 

Depuis la mi-janvier les élèves de première passent des épreuves communes de contrôle continu (E3C) qui comptent pour près de 30% de leur notes finale au baccalauréat. La réforme donne ainsi plus de poids au contrôle continu, et moins aux épreuves traditionnelles de fin de cursus.

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Un neuvième blocus depuis la rentrée

Enceinte à la main, Sonia, 15 ans, en classe de seconde s’étonne du succès de la mobilisation « c’est la première fois que ça marche aussi bien ». Elle rejoint dans la foule deux de ses camarades, Perla et Nina, en terminale ES. Ils ne sont pas concernés par la réforme, mais elles sont venues soutenir la mobilisation. Elles se mettent à citer pêle-mêle les raisons de leurs présences au « blocus » : précarité étudiante, inaction du gouvernement face au réchauffement climatique, Parcoursup, la réforme des retraites… « On est sur tous les fronts depuis début décembre », clament en choeur les deux élèves. Il s’agit du neuvième blocus depuis la rentrée pour le plus grand lycée de Paris en superficie. 

Pour la jeune Sonia, la réforme du baccalauréat instaure « une sélection très forte ». « Ce ne sera pas la même chose d’avoir un 15 à Balzac au bac et la même note à Louis le Grand », l’un des lycées le plus prestigieux de la capitale, affirme la lycéenne. 

Perfecto de cuir sur les épaules et sticker rouge collé sur la poitrine à l’effigie du logo du parti communiste français (PCF), Thomas informe les trois jeunes filles que les E3C des premières en bac technologique viennent d’être annulées. L’élève de terminal ES est l’un des organisateurs du blocus et n’a pas hésité lui aussi à venir dès 7 heures. « On sera là demain et mercredi, on ne va rien lâcher », affirme t-il. 

Manque de préparation et stress

A l’écart du brouhaha, Jessica, Hajar, Opi et Ala attendent patiemment d’avoir plus d’informations sur l’issue du blocus. Ces quatre élèves de première doivent passer des épreuves cette semaine. Néanmoins, elles soutiennent la démarche de leurs camarades. « Je trouve que les épreuves arrivent trop tôt. Avec les grèves certains professeurs ne pouvaient pas assurer leurs cours et des élèves aussi ne pouvaient pas y assister. Dans ma classe on n’a pu faire que deux chapitres en histoire géo et je trouve que ce n’est pas assez pour faire une épreuve de bac », dénonce Ala. 

Même son de cloche pour son amie Jessica qui a opté cette année pour les spécialités maths, SVT et sciences numériques. « Maintenant le stress du bac est réparti sur deux ans et du coup psychologiquement c’est trop dur. Les profs continuent à suivre leurs rythmes, comme si de rien n’était. Ils nous donnent encore plein de contrôle et ne prennent pas du tout en compte les E3C qu’on doit passer. On a même pas eu le temps de réviser », déplore t-elle. 

Certains élèves dénoncent la mise en place hâtive de la réforme. « L’idée n’est pas mauvaise mais la mise en place de la réforme c’est du grand n’importe quoi », dénonce Annette élève en terminale ES qui se sent concernée par la réforme avec une petite soeur en seconde. 

Les professeurs sont eux aussi de la partie. Une poignée d’entre eux avait préparé pour l’occasion un flashmob, une sorte de chorégraphie orchestrée sur un hymne rédigée la veille. « À cause de Blanquer le bac mort la poussière », chantent-t-ils sur l’air de la chanson À cause des garçons de Yelle.

« Que ça soit les élèves, les profs, le proviseur, on est tous perdus », regrette Hajar, censée passer ses épreuves cette semaine. Dans la foule, des élèves se donnent déjà rendez-vous pour le lendemain. 


Mariama Darame
(texte et photo)

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