La « moula », « pookie »,… Les adolescents s’approprient les expressions de leurs rappeurs préférés. Mais les Heuss l’Enfoiré et autres Aya Nakamura sont-ils vraiment les pionniers de ce vocabulaire particulier ? Reportage.
« Depuis que le son Khapta de Heuss l’enfoiré est sorti, tout le monde dit ‘’Je suis Khapta’’ en soirée, ce qui veut dire, ‘’être vraiment bourré’’ », rapporte Mila. Devant le lycée Hélène Boucher, situé dans le XXé arrondissement de Paris, c’est la pause déjeuner. Une horde de lycéens sort de l’établissement, avec pour la plupart, des AirPods dans les oreilles et en fond sonore des artistes comme Ninho, Niska, Heuss l’Enfoiré, Koba La D ou encore la reine du R’n’B’ français : Aya Nakamura. L’un de ses titres phares Pookie est d’ailleurs rentré dans le vocabulaire des adolescents pour désigner « une poucave, une balance », traduit Héléna. Dans Djadja, Aya Nakamura chante « En catchana, baby, tu dead ça ». « ‘’Dead ça’’, c’est notre nouveau mot pour dire ‘’T’as géré’’ », explique Layam.
« T’apprends pas les mots grâce aux sons, tu les connais déjà »
Certains termes sont d’ores et déjà connu par les adolescents, mais leur reprise dans les chansons des rappeurs les plus connus accroît leur popularité. « T’apprends pas les mots grâce aux sons, tu les connais déjà en fait », relève David, qui utilisait auparavant « « Ara », ça veut dire qu’il y’a les condés (NDLR : la police) ». Un sentiment partagé par Mila. « Il y a des mots qu’on connaissait déjà mais une fois que le son est sorti, on commence vraiment à les utiliser comme la « moulaga ». »
« Mais elle est où la moulaga ? », s’interroge Heuss l’Enfoiré dans son titre intitulé Aristocrate. « Moulaga » et son dérivé « moula » font désormais partie du vocabulaire récurrent des adolescents. « La moula c’est l’argent issu de la vente de drogue », dévoile Mila. « Mais chez Heuss l’Enfoiré, un mot veut dire six choses différentes, on comprend pas toujours mais on les utilise », renchérit Héléna.
Pour certains, le rap américain influence parfois leur langage. « Dans une chanson du rappeur Notorious Big, il parle de « Big papa », quand un mec arrive en soirée et que tu sens qu’il impose, tu peux dire à tes potes « he’s a big papa » », rigole Mila.
Des mots qui restent flous pour leurs parents. « C’est un vocabulaire auxquels ils n’ont pas accès », reconnaît Layam. « Quand j’écoute Koba La D, mon père me dit d’arrêter, pour lui c’est trop vulgaire », renchérit Sophie. Et pourtant, certains se prêtent au jeu. « Ma daronne (NDLR : ma mère), elle connaît, je lui apprends », confirme Mila.
Maïté Charles