À l’école, un enseignement inégal de l’histoire de la Shoah

À l’école, un enseignement inégal de l’histoire de la Shoah

Alors que les 75 ans de la libération d’Auschwitz sont commémorés, un sondage inquiète : un Français de moins de 38 ans sur quatre dit ne jamais avoir entendu parler de la Shoah. Pourtant, elle est bien présente dans les programmes scolaires, à des degrés différents.

« La Shoah ? Je ne sais vraiment pas ce que c’est… », avoue Lola, 16 ans. L’élève de première dans un lycée d’Épinal, dans les Vosges, se reprend quand l’expression « génocide des Juifs » est lâchée : « Là, oui, quand même, je sais ce que c’est ! » Selon un sondage de l’institut Schoen Consulting, publié ce mercredi 22 janvier, un Français de moins de 38 ans sur quatre n’aurait jamais entendu parler de la Shoah (mot hébreu signifiant « catastrophe » et désignant l’extermination d’environ six millions de juifs pendant la seconde guerre mondiale). Un chiffre alarmant de prime abord, mais qui peut s’expliquer, au moins en partie, par le vocabulaire.

« J’ai fait un sondage rapide dans ma classe, raconte Elodie, professeure d’histoire-géographie au collège Charles-Péguy, à Paris. Sur 26 élèves, cinq m’ont dit qu’ils n’avaient jamais entendu parler de la Shoah. Mais en discutant avec eux, je me suis rendue compte que c’était juste le terme qu’ils ne connaissaient pas… Ils n’avaient juste pas fait le lien avec le génocide ».

D’innombrables manières d’aborder la question

Depuis les années 1980, l’enseignement de la Shoah a pris une place de plus en plus importante à l’école, au fil des réformes. Avec un tournant majeur, en 1982 : la mention, dans les manuels scolaires, de la responsabilité du gouvernement français dans l’extermination des Juifs pendant la Seconde guerre mondiale.

Aujourd’hui, le génocide juif est enseigné à trois reprises, dès l’école primaire : en CM2, en troisième et en première. Au collège, le cours d’histoire sur la Shoah est normalement prévu sur une séance d’une heure. Mais il n’existe pas de quotas d’heures imposées. « Comme moi, beaucoup de professeurs choisissent de passer beaucoup de temps sur cette question », explique Chloé, professeure d’histoire-géographie dans un collège de Guyancourt (Yvelines). Chaque enseignant choisit aussi la manière d’aborder le sujet avec les élèves. Voyage à Auschwitz, visite de musées, témoignages en classe de déportés ou de leurs descendants… Nombre d’enseignants ne se limitent pas au cours théorique. 

« Moi, je fais le choix de ne rien épargner aux élèves, avoue Chloé. C’est pour leur faire comprendre que c’est moins difficile à regarder qu’à vivre ». Alors l’enseignante tient à faire lire à ses élèves les oeuvres de l’écrivain italien d’origine juive, Primo Levi lui-même déporté à Auschwitz et utilise un maximum d’images d’archives, notamment sur la vie dans les camps.

« Avant, j’invitais aussi une rescapée de la rafle du Vel d’Hiv, Sarah Montard, pour témoigner devant les élèves, ajoute Chloé. Mais il y a de moins en moins de rescapés qui sont en capacité de le faire. »

A l’inverse, Elodie préfère préserver ses élèves parisiens. « Tous les ans, c’est un grand dilemme : j’ai peur de leur passer des vidéos d’archives parce que je ne veux pas les choquer. Le film Nuit et brouillard d’Alain Resnais par exemple, je trouve que c’est trop violent pour des élèves de troisième ».

Des professeurs qui n’ont pas toujours le temps

Dans les salles de classe, l’enseignement de la Shoah varie beaucoup en fonction des professeurs. À tel point que certains élèves, comme Lola, ont à peine abordé la question en cours. « En première on a un programme très chargé, du coup mon prof d’histoire est passé rapidement sur la question. On a dû en parler cinq minutes en tout, pas plus ». Un programme chargé, aussi, en troisième, qui frustre certains professeurs. « Finalement, le temps qu’on a pour aborder le sujet reste assez limité, regrette Elodie. On le fait un peu plus vite que ce qu’on aimerait. »

Pourtant, c’est l’un des thèmes préférés des élèves de troisième de Chloé, qui enseigne depuis quinze ans à Guyancourt. « Ils sont toujours très intéressés, ils posent plein de questions. » Pour Mayeul, 14 ans et élève d’un collège bordelais, le chapitre sur la Shoah, qu’il est actuellement en train d’étudier, est « extrêmement important, c’est même l’un des chapitres principaux de cette année ». À partir de la rentrée prochaine, les élèves de terminale devront eux aussi étudier la Shoah. Un chapitre sur la mémoire liée à l’Holocauste a été ajouté à leur programme, pour au moins une quinzaine d’heures.

Ambre Rosala

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